La néo banque Revolut a annoncé un investissement d'un milliard d'euros sur trois ans pour faire de Paris son nouveau siège pour l'Europe de l'Ouest. Forte de 5 millions d'utilisateurs dans l'Hexagone, son marché à la plus forte croissance, l'entreprise entend créer 200 emplois dans la capitale et y déposer une demande d'agrément bancaire. Objectif affiché : devenir un établissement de crédit à part entière, proposer des produits d'épargne réglementée et élargir son offre avec, notamment, du crédit immobilier d'ici fin 2025.
Déjà leader en matière de paiements chez les jeunes actifs et les voyageurs, Revolut confirme son ambition : s'imposer comme une véritable alternative aux banques traditionnelles par la proximité client et l'attractivité de Paris, en capitalisant sur sa position première d'entreprise tech. Décryptage des grands enjeux de cette installation stratégique avec Geoffrey Laloux, Principal au cabinet de conseil Square Management.
L'arrivée de Revolut sur l'épargne réglementée annonce-t-elle une redéfinition des rôles entre banques traditionnelles et néobanques ?
A la différence des banques en ligne (apparues aux alentours de 2000), les néobanques se sont fait une place a partir de 2010 en proposant des services essentiellement axés sur les paiements, le crédit, l’épargne et les investissements étaient absents de l’offre de service sauf exception. Les utilisateurs ouvraient un compte auprès d’une néobanque pour la carte de banque gratuite ou des taux de change intéressants sur les devises mais gardaient un compte auprès d’une banque classique pour tous les autres types de services.
Il en résulte que l’encours moyen (la somme qu’un client dispose sur ses comptes auprès d’une banque) est inférieur à 1.000€ pour la plupart des néobanques alors que selon la Banque de France cet encours est supérieur à 7.000€ en moyenne pour une banque classique. En investissant le domaine de l’épargne, Revolut augmente ses encours, élargit sa gamme de service et devient une alternative potentielle pour être la « première banque » d’un ménage (celle ou le salaire est versé et ou l’épargne est placée).
L'installation de Revolut à Paris annonce-t-elle un déplacement de la puissance bancaire vers les néobanques ?
Pas directement, mais il est sûr qu’en s’installant sur la place française, Revolut estompe son image de neobanque « exotique » (sa licence est Lituanienne) et renforce sa crédibilité. Le chemin reste cependant encore long pour parler d’un déplacement de la puissance bancaire vers les néobanques. Il ne faut pas oublier que la vraie puissance des banques réside dans les services aux entreprises ou les crédits hypothécaires, deux domaines où (pour le moment) Revolut et les néobanques sont absentes ou très peu présentes.
Les banques traditionnelles sont-elles prêtes à faire face à l'offensive des néobanques sur l'épargne et le crédit ?
Une néobanque est indissociable du Digital et du Mobile. Deux domaines ou le niveau de maturité des banques « classiques» est très variable. Pour répondre efficacement aux mouvements des néobanques, il faut être capable de s’adapter rapidement pour commercialiser de nouveaux services et surtout proposer une « expérience utilisateur » fluide et innovante. Dans ce domaine une banque avec une forte présence en ligne et une structure interne flexible sera mieux armée qu’une banque traditionnelle avec un réseau d’agences et des milliers d’employés.
Il ne faut cependant pas sous-estimer la capacité des banques classiques à réagir : on le voit ailleurs en Europe ou des acteurs bancaires historiques proposent des applications mobiles de haut niveau capables de tenir a distance les nouveaux entrants.
L'obtention d'un agrément bancaire en France renforcera-t-elle la confiance des usagers envers les néobanques ?
Il est évident que pour un client français, savoir que sa banque est surveillée par l’ACPR et la Banque de France a plus de valeur qu’une supervision extra nationale. Reste à savoir quelle proportion de clients des néobanques se pose réellement ce genre de question et est éventuellement capable de comprendre les impacts.
La redistribution des sièges européens des fintechs est-elle en train de rebattre les cartes de la finance continentale ?
Il faut distinguer le Siège et le marché. Avoir une licence Lituanienne et un Siege à Londres n’a jamais empêchée Revolut de cibler les marchés les plus actifs en Europe et au-delà. Les néo-banques et les fintechs sont opportunistes, elles s’adaptent rapidement aux circonstances et aux marchés. Depuis le Brexit la législation sur les paiements évolue de manière différente en Angleterre et au sein de l’Espace Économique Européen, Revolut doit donc différencier sa gouvernance et son approche.
L’installation en France ne fait que souligner que l’on est dans le deuxième pays le plus peuplé de l’Union, avec un taux de bancarisation de plus de 90% et une culture digitale bien implantée : bref, un terreau avec un bon potentiel pour une néobanque.
Source : Article du 11 juin 2025 paru sur link finance
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